Interruption du délai de garantie décennale, approches judiciaire et administrative

Deux arrêts récents donnent l’occasion d’une comparaison de l’appréciation que portent les juridictions administratives et judiciaires sur la notion de délai de garantie décennale.

Dans un arrêt du 27 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Nantes devait se prononcer sur la recevabilité d’une action fondée sur la garantie décennale des constructeurs et portant sur des désordres affectant un ouvrage ayant fait l’objet d’une réception le 19 août 2005 et n’ayant donné lieu à l’engagement d’un recours par le maître d’ouvrage que le 6 octobre 2015, soit au-delà du délai de dix ans suivant la réception.

Le constructeur opposait donc au maître de l’ouvrage la prescription de son action, quand le maître de l’ouvrage se prévalait d’une cause d’interruption du délai de garantie décennale tirée de la reconnaissance de sa responsabilité par le constructeur.

Après avoir constaté qu’il ressortait d’un compte-rendu de réunion de chantier du 12 mai 2009, que le constructeur avait reconnu l’existence des désordres et s’était engagé à y remédier en procédant à des reprises partielles en 2011, la Cour considère que ces circonstances constituent une reconnaissance de responsabilité de la part du constructeur qui a interrompu à son égard le délai de la garantie décennale (CAA Nantes, 27 juin 2025, n°24NT01745 – voir également CE, 31 juillet 2025, n°503772).

Or, dans un arrêt du 9 octobre 2025, la Cour de cassation, après avoir rappelé que le délai de 10 ans prévu aux articles 1792-4-1 et 1792-4-3 du Code civil était un délai de forclusion qui n’était pas régi par les dispositions concernant la prescription, a jugé que la reconnaissance de responsabilité par le constructeur n’interrompt pas le délai de forclusion décennale (Cass. 3è civ., 9 octobre 2025, n°23-20446).

Bien qu’ils se réfèrent tous deux aux mêmes textes du Code civil en la matière, les juges administratifs et judiciaires ne partagent donc pas la même approche des notions de prescription et de forclusion, ainsi que de leurs conséquences en matière de responsabilité des constructeurs.